On a tous un jour ou l’autre tenté de pénétrer les pensées de son chocolatier et d’en démêler les mystères de sa créativité. Rien de mieux que le salon du chocolat pour nous mettre sur la voie, avec des stands spécialement imaginés par leur chocolatier. Parmi eux, une construction en bois attire immédiatement le regard, comme tout droit sortie d’un conte de Grimm : la maison Chocolat Chapon. Dans une ambiance feutrée, Patrice Chapon a su combiner plusieurs univers entre eux comme la lithographie, l’enfance, la poésie et le chocolat. Pas étonnant donc de voir ces trois bambins des années 30, en costumes et chapeaux d’époque, échanger des boîtes de cacao Chapon. Derrière ces emballages artistiques et ces chocolats se cache un homme qui a su garder son âme d’enfant: Patrice Chapon, chocolatier et torréfacteur.
J’avais envie de faire un chocolat unique, qui ne ressemble pas à celui de mes confrères.
Ses yeux bleus plein de malices tranchent avec la timidité du personnage. Patrice Chapon a toujours marché à l’instinct et aux émotions. Né jurassien, il grandit toutefois à Paris, où il fait dès l’âge de 14 ans, un apprentissage suivi d’un CAP en pâtisserie. C’est lors de son expérience en tant que glacier au Buckingham Palace pour la Reine d’Angleterre, que Patrice découvre le chocolat. Après avoir été professeur quelques mois dans un lycée technique, à 23 ans, il veut suivre ses envies et créer ses propres chocolats.
J’ai demandé à mon père de me prêter la cave de la maison pour que je puisse faire mes chocolats et pensant à un caprice de jeunesse, il m’a répondu : « Amuse-toi ! ».
On l’imagine multipliant ses expériences seul dans sa cave improvisée en atelier, tel un savant fou, se forgeant en parfait autodidacte. Patrice voit son métier comme un jeu et ne compte pas les heures passées à penser, faire et refaire ses chocolats. Il fit le grand saut lorsque son père vendit la maison, il installa alors son atelier à Chelles en 1986 et commença à alimenter les confiseries parisiennes. Il ouvre son premier magasin dans sa fabrique en 1993, et sa première boutique sur Paris en 2001. Aujourd’hui, quatre boutiques de Chocolat Chapon ont ouvert leurs portes en Ile-de-France.
Notre relation à l’enfance est primordiale dans ma vision du chocolat.
Patrice a une forte sensibilité qui se ressent dans chacun de ses chocolats et de ses emballages, qui racontent tous une histoire. Pour lui, le chocolat a toujours eu cette part de magie, une magie qu’il aime préserver aux travers ses créations.
Le chocolat est une des premières choses qu’une maman va faire découvrir à son bébé.
De là, ces trois petits enfants prennent tout leur sens dans le choix qu’il a fait d’en faire son logo. Étant collectionneur, Patrice aime dénicher des trouvailles anciennes, dont beaucoup de gravures et de lithographies. C’est dans une brocante qu’il trouva ces trois personnages. Timide à ses débuts, ne voulant pas se montrer aux yeux du publique, il cacha la vitre qui donnait sur son atelier par cette affiche, dont il en fit son logo.
Ils correspondent parfaitement à mes recettes, principalement à bases de pralinés, ce qui est très présent dans l’image de l’enfance.
Il y a de la poésie dans la manière dont Patrice aborde le chocolat. Chaque chocolat raconte une histoire et si cela ne tenait qu’à lui, il leur confectionnerait à chacun leur propre emballage. En forme de sac, en coffret théâtre ou en malle de voyage, Patrice aime sublimer ses chocolats qu’il considère comme un art de vivre.
J aime le parfum subtil des fèves brutes d’une plantation de cacao.
En parfait précurseur, Patrice aime se réinventer et se surpasser. C’est pourquoi il commence à faire sa propre torréfaction de cacao en 2011, dans un souci de créer ses propres chocolats, uniques. Aujourd’hui, la maison Chapon propose 50 bonbons de chocolat et 400 références de chocolats. Maîtrisant les différentes variétés de cacao, il sélectionne personnellement les origines des fèves qu’il utilise et n’hésite pas à se rendre plusieurs fois par an dans les récoltes de cacao pour rencontrer les producteurs afin de comprendre de A à Z chaque étape de ce trésor.
On vend de l’amour ; c’est ça le chocolat.
Ses inspirations ? Tel un artiste, il suit ses envies, goûte et observe ce qui se passe autour de lui, éveillant de temps à autre un déclic et une création, comme le Ganache yaourt (avec un peu de grué), une nouveauté de cette année qui lui est venue chez un glacier en prenant un parfum au yaourt. Tous ses chocolats sont faits à partir de son propre cacao torréfié. Voici un aperçu des spécialités de la maison, de vrais petits bijoux !
-Le Dôme praliné au sel fumé : un praliné amandes, noisettes, pistache, nougatine et sel de Guérande, enrobé de chocolat noir ou blanc. 1er aux Awards du Salon du Chocolat et le Grand Prix du Chocolat de la Mairie de Paris en 2003.
-Les billes Agate pralinées à l’intérieur, avec une gravure de lithographie tout autour – faite à partir d’une gravure ancienne que possède Patrice.
-Le « VSD » : « Vendredi, samedi, dimanche ». « On voulait un gâteau fait avec notre chocolat (68% cacao). »Fondant et croquant à la fois, sa particularité réside dans les petits morceaux de grués de cacao qui apportent une pointe de sel et de noisette au chocolat.
-Les oursons Choc’Teddy : fait en chocolat blanc avec un intérieur praliné
-Les bulles « Blougligoulby » : des billes de nougatines. « J’ai choisi ce nom car il était tout simplement imprononçable et drôle ! »
-Une ganache wasabi avec un praliné sésame.
En plus des seize tablettes emballées sous aluminium soudé, Patrice Chapon se démarque par ses concepts innovants, tels que le « Bar à mousses », où sont faites cinq mousses aux origines de chocolats différents (Venezuela, Cuba, Madagascar, Équateur et Equaga (mélange d’Equateur et de Ghana).
Côté glace, on retrouve les esquimaux : des sorbets à la framboise ou à la mangue, en forme de tablettes de chocolats.
Notre métier, c’est de la générosité, de l’amour et des rencontres.
À cinquante ans passés, Patrice Chapon est à l’apogée de son enfance. Rêveur, gourmand et simple, vingt-huit ans après, la magie est toujours intacte. À force de recettes envoûtantes, il continue donc, tel le marchand de sable, à distribuer du rêve et une foule de souvenirs…
Marion Gordien
Chocolat Chapon
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