Affineur au grand cœur
Rue Rochechouart. Dans l’agitation de cette rue du 9ème arrondissement de Paris, comme suspendu dans le temps, se détache l’écriteau en bois « Ferme Saint Hubert », avec ses bidons de lait au devant de la fromagerie.
Derrière les multitudes d’effluves de fromages, se cache un couple soudé, Henry et Paulette Voy. Depuis 2007, ses originaires des Deux-Sèvres en Haut-Poitou ont continué leur longue aventure, avec aujourd’hui quatre personnes pour les épauler. Membre du jury du Concours Agricole et récompensé par l’Ordre du Mérite Agricole, à 78 ans, Henry, Maître Fromager Affineur a su préserver toute son authenticité et se bat pour préserver la qualité d’antan de ses produits.
Quand il y a un frigo, il faut que je regarde ce qu’il y a dedans !
Curieux, Henry ? Ça, il l’avoue ! Dans sa profession comme dans sa vie, il aime partir à la découverte de nouvelles saveurs. Une qualité qui l’a conduit tout droit vers ce métier, auquel il ne se destinait pas aux premiers abords. Ayant grandit à Airvault, une petite commune de 3000 habitants, il a toujours été fasciné par la création des fromages de chèvre par les grands-mères de l’époque. Non sans une pointe de nostalgie, il les revoit saler les fromages et les hisser au plafond dans des corbeilles pour les faire fleurir.
Ce qui m’intéressait, c’était de goûter, de faire la différence entre les fromages et de trouver des produits toujours meilleurs.
Il se tenait à l’affut de la moindre nouveauté et gardait un œil sur ce qui se faisait sur Paris, pendant qu’il écumait les marchés pour essayer les produits. Il a d’abord affiné les fromages à sa manière, sur le tas. Son goût pour les défis l’a amené à créer sa propre affaire d’affinage de fromages de chèvre.
Quand je m’accroche à quelque chose, je fonce ! Plaisante t-il.
Il s’est donc fait connaître dans sa région, pour la qualité de ses produits, sélectionnés directement chez des petits producteurs et par son Pavé d’Airvault, un fromage rectangulaire au lait de chèvre qu’il a créé. C’est à cette époque qu’il rencontra sa femme. Elle aussi était affineuse de fromage. Un duo qu’ils n’ont cessé de former depuis toutes ces années. Un peu avant les années 1980, ils ont choisi de venir s’installer à Paris. Une nouvelle aventure pouvait commencer.
Le fromage, c’est ce qui m a rapproché des gens de tous les milieux.
Avant de reprendre leur première fromagerie rue Vignon dans le 8ème arrondissement de Paris, Henry et sa femme Paulette se sont fait un carnet d’adresse sur les marchés de Paris et de banlieue. Henry, jamais sans ses sabots aux pieds et son chapeau sur la tête.
On s’est toujours entraidé avec ma femme. Déclare t-il.
Pour l’anecdote, Henry Voy a même été videur pour la célèbre boîte de nuit de Louveciennes, le Pacha. Eh oui, ce fromager est aussi ceinture noire de judo et de karaté ! Une vie bien remplie pour ce couple de travailleurs, qui donne, par leur expérience une belle leçon de vie. En effet, en vingt-cinq ans, Henry a formé près de quarante apprentis, dont de nombreux jeunes de la DASS, avec qui il garde toujours contact. On retrouve d’ailleurs un de ces anciens apprentis à la boutique, Bruno, qui travaille à ses côtés depuis trente-cinq ans.
C’était un rockeur quand je l’ai engagé ! Il est venu me voir il avait encore les chaînes aux habits ! Raconte t-il avec humour.
Car de l’humour, ce grand bavard n’en manque pas !
La recherche du produit, c’est le sens de ma vie.
Avec sa petite queue de cheval nouée derrière la nuque et sa voix grave, Henry Voy n’hésite pas à dire ce qu’il pense ! Quand on parle de fromage, la qualité est pour lui la priorité.
Je me déplace à Rungis avec ma sonde. Je tire, je goûte. Je suis un des plus vieux là-bas !
Henry se rend également en province pour aller chercher les fromages.
Je me bats pour acheter directement aux producteurs et aux fermiers. Pas toujours en accord avec certaines évolutions et pratiques, Henry l’avoue : Je râle parfois !
L’authenticité du goût et du travail se retrouve dans les plus de deux cent fromages français ou étrangers qui trônent dans sa fromagerie. Les spécialités ? Sans équivaut, les fromages de montagnes, comme le Compté et le Beaufort, mais aussi les fromages de chèvre. Sensible, il s’est toujours attaché à ses producteurs et à ses clients, qui font son quotidien.
J’aime le risque ; faire des choses que les autres ne font pas !
Amoureux des fromages, il se tient quotidiennement en alerte pour une nouvelle découverte.
Si j’étais un fromage, je voudrais être le roquefort. C’est le Roi du Fromage ! Plaisanta t-il.
Plus de cinquante ans après ses débuts, son goût pour les défis ne faiblit pas. Après le succès il y a sept ans de son « Restaurant fromage », Henry Voy serait prêt à se relancer dans l’aventure.
Et qui sait, peut-être à l’avenir, créer un nouveau fromage ?
Marion Gordien
La Ferme Saint Hubert