À deux pas du jardin du Luxembourg trône un monument. Deux buis taillés à l’entrée, une façade blanche avec d’appétissantes vitrines et, peint dans une belle calligraphie, le nom de Christian Constant.
Le visionnaire
Le « compositeur de chocolats », comme il se qualifie lui-même, est un maître incontesté. Récompensé du premier Coq de platine en 2011, couronné pour ses travaux par l’Académie Française du Chocolat dont il devient l’un des quarante immortels, il est aussi décoré des Palmes Académiques et Officier de l’Ordre National des Arts et des Lettres pour ses conférences, ses publications et ses recherches en la matière.
Du lundi au dimanche soir, Christian est là, prêt à se plier en quatre pour ses clients et à entamer avec eux de longues conversations passionnées. Fils et petit-fils d’œnologue, il se pique dès son plus jeune âge de curiosité pour le chocolat. Un met qui se rapproche, de son point de vue, du produit que travaille sa famille.
Comme le vin, il y a différentes variétés botaniques, des cépages et des terroirs différents. À mon époque, personne n’envisageait ça comme cela. On ne trouvait que du chocolat industriel, mélangé avec des exhausteurs de goûts. J’ai été le premier à dire que l’on trouverait un jour de vrais chocolats de plantation, purs et qui se suffisent à eux même.
Aujourd’hui encore, il se bat pour le chocolat 100% cacao. Depuis 2003, la France a autorisé sous le joug d’une directive européenne l’ajout de graisse végétale dans les tablettes.
La chasse aux grands crus
Après avoir étudié à l’Institut de Recherche du Cacao et du Café (aujourd’hui appelé CIRAD), et dirigé la maison Lenôtre pendant cinq ans, il s’installe rue du Bac en 1970 et se met en chasse des meilleurs cacaos. Pérou, Colombie, Équateur, Venezuela, Trinidad, Tobago, Mexique ou encore Madagascar, Gabon… il va partout. Partout sauf en Côte d’Ivoire, paradoxalement premier producteur mondial mais où le cacao est traité industriellement. A 74 ans, Christian continue de voyager mais estime n’avoir « plus grand-chose à découvrir ». De toutes ses années à barouder, il se souvient d’une de ses trouvailles la plus marquante :
le Porcelana de Maracaibo (Venezuela) aux fèves blanches. Il pousse dans des conditions extrêmes, dans une chaleur à mourir et une humidité inimaginable, au bord d’un lac infesté de moustiques.
En quelque sorte, c’est un peu le Saint Graal du chocolat !
Du noir et rien d’autre
Aidé des meilleures fèves et de pur beurre de cacao, Christian prépare tablettes et confiseries chocolatées. Noires, sans exception.
Je ne fabriquerai du chocolat au lait que sous la torture ! Fanfaronne-t-il.
Les tablettes sont disposées sur le côté de la caisse. On y trouve bien sûr le Porcelana de Maracaibo 68%, mais aussi :
- Du National Arriba 66% d’Équateur ;
- Du Trinitario 65% de Grenade ;
- Du Carupano 70% du Venezuela
- Ou du Plantation Millot 64% de Madagascar.
Une douce spécialité
Outre du chocolat noir d’excellente qualité, la spécialité de Christian, ce sont les chocolats floraux travaillés en confiserie. L’inspiration lui est venue lorsqu’il a goûté le fameux Forasteros Nacional en Équateur, aux arômes de jasmin et de jacinthe d’eau.
C’est là que j’ai pensé à la possibilité d’utiliser cette caractéristique florales présentes dans plusieurs variétés en les gonflant.
Depuis lors, le chocolatier use avec subtilité d’huiles essentielles mêlées à ses chocolats.
Lors de notre visite, nous avons dégusté
- le « Frangipanier », doux, fondant, avec une sapidité très discrète de fleur de frangipanier ;
- le « Géranium Rosa », mêlant habilement la légère amertume du chocolat noir à la douceur de la rose.
Ne pas créer, c’est mourir !
Autre délice à ne pas rater : le chocolat chaud. Servi généreusement dans un petit pichet, il n’est que légèrement sucré et doucement amer. Sur le dessus de la tasse se forme une petite peau délicieusement parfumée et fondante.
Pour l’accompagner, moult pâtisseries, mais surtout sa célèbre tarte au chocolat dont tous les gourmands ont sûrement déjà entendu parler. Et que dire du « Soleil Noir », ce gâteau à la surface parfaitement lisse et arrondie renfermant une mousse amère de chocolat discrètement parfumée à la cannelle ? À tomber.
Parce-que comme il le dit lui-même, « ne pas créer, c’est mourir », Christian s’enferme dans son laboratoire à la moindre occasion pour créer de véritables œuvres d’arts. À Pâques, Astérix et Obélix prenaient la forme de gros œufs garnis de fritures. Pour la fête des mères, ce sont de splendides roses de chocolat qui fleuriront sur les présentoirs. Autres créations, des glaces, des fruits confis, mais surtout les dîners et réceptions qu’il organise en tant que traiteur. De l’entrée au dessert en passant par la recherche de la salle, Christian s’occupe de tout. Son talent lui a valu le Coq d’or du meilleur traiteur de France, décerné par le guide de la Gourmandise.
Après 40 ans de carrière, Christian Constant a toujours sous son chapeau de quoi faire fondre les amateurs de chocolats et plus encore. Une passion dévorante qu’il partage si bien avec ses clients, toujours accueillis chaleureusement.
Note : un peu de botanique…
Le Criollo, qui signifie « Créole », est une des trois principales variétés botaniques de cacaotier. Originaire du Venezuela, elle est connue pour son cacao aux superbes arômes, fins, puissants et peu amers. Cultivées en de petites quantités (sa culture ne dépasse pas 5% de la production mondiale), les fèves sont rarement employées seules dans la confection de confiseries de luxe. Sa rareté rendrait le produit fini beaucoup trop cher.
Le Forasteros, lui, est originaire de la haute Amazonie. Il est désormais cultivé au Brésil, en Afrique ou encore aux Antilles et représente 80% de la production mondiale. Ses qualités organoleptiques sont nettement inférieures au groupe des Criollios.
Mais cela à une exception près, précise le chocolatier ; le Nacional, très parfumé, au nez de fleur d’oranger.
La troisième variété de cacaotiers est un mélange des deux groupes précédents appelée Trinitarios. Plus résistante aux maladies, elle allie les qualités des Criollos et des Forasteros, à savoir l’arôme pour l’un et la productivité pour l’autre.
Chocolaterie Christian Constant
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