Si Willy Wonka avait sa magnifique fabrique à chocolat, Philippe et Rachel Alléosse ont fait de leur fromagerie un lieu enchanté ! Dans un style unique, on retrouve l’esprit d’une cave, avec le bois présent du sol au plafond. Un clin d’œil également aux origines bretonnes de Philippe et de sa passion pour la navigation, puisque passer le pas du 13 rue Poncelet, on a le sentiment de se retrouver dans un bateau retourné.
Le but a été d’apporter au fromage tout ce dont il avait besoin (climat froid, support), dans l’excellence, pour le mettre en évidence.
Avec l’odeur subtile des fromages qui se mêlent à l’air, le voyage des sens peut commencer !
Le fromage a toujours eu une place importante dans la vie de la famille Alléosse.
Le fromage est devenu notre cheval de bataille car on se rendait compte que c’était la partie pauvre du repas dans les restaurants à l’époque alors que terminer avec un bon vin et du bon fromage, ça n’a pas de prix !
Ses parents ouvrent donc la fromagerie en 1984 et six mois plus tard Philippe les rejoint. A 24 ans, il croise la route de Pierre Androuet, maître fromager, une rencontre qui sera décisive dans l’orientation de sa carrière. « Il m’a dit, pour faire ce métier, il faut savoir faire l’affinage. »
Il apprit aux côtés de son père mais également aux côtés de producteurs, jusqu’à parfaire lui même son expérience dans l’affinage en 1987, à l’ouverture de ses quatre caves distinctes rue Clairaut dans le 17ème.
Je suis resté pendant sept ans dans les caves, presque jours et nuits, pour vraiment connaître l’évolution des fromages.
Philippe est un passionné qui ne lâche rien. Il veut trouver l’excellence d’un fromage, et pour cela, il est prêt à travailler dessus le temps qu’il faudra, que ce soit sur des semaines ou des mois.
Quand on fait de l’affinage, il faut donner du temps et de la patience pour avoir un résultat. Tout ne sera pas concluant, mais c’est aussi ça le plaisir !
Sa femme la rejoint très vite dans l’aventure et s’est formée auprès de ses beaux-parents, sur le tas, dans la rigueur du travail de l’époque, allant jusqu’à 70 heures par semaine.
Ma femme peut rarement se passer de manger du fromage ! Elle est mon soutient. L’un ne va pas s’en l’autre.
En effet, le couple Alléosse affiche une complicité et une symbiose reconnues par les clients.
Sa rigueur et son travail ont payés. En 2006, il est nommé premier maître artisan fromager de France. Il monta également une cave d’affinage à Montréal (94) et à New York (2003-2004) afin d’amener le lait cru sur le continent. À 54 ans, fort de son expérience, son affinage est devenu une signature incontournable en France et reconnue à l’étranger (notamment en Asie où il exporte ses produits (1,2 tonnes par mois): Japon (5 ans), Chine (3 ans) et Singapour (15 ans). Il met un point d’honneur à défendre le savoir-faire traditionnel et met en avant la profession à l’international.
La France a une richesse gastronomique certaine, mais qu’on ne sait hélas pas mettre en valeur.
Vue sur les petites douceurs proposées
Chaque région a son caractère, il faut les prendre comme ils sont, respecter le savoir-faire du producteur et la tradition.
Philippe Alléosse suit son rituel. Il regarde l’aspect du fromage, le goûte, et si le déclic est là, il retravaille le fromage à sa façon, le frotte, le lave, le teste (…) et observe scrupuleusement l’évolution du produit, jusqu’à avoir parfait le fromage dans son excellence.
Je ne fais pas énormément de découvertes en une année, parfois même aucunes. Le but n’étant pas la quantité mais la recherche de la particularité d’un fromage et de le redécouvrir.
Si l’essai de l’affinage est concluent, alors il demande une régularité aux producteurs dans la fabrication des fromages et fait systématiquement analyser ses fromages par un laboratoire privée.
Philippe est un amoureux des fromages qui a des convictions. « A nos début, on peut dire qu’on a été les gendarmes qui ont défendu un bon nombre de producteurs. » En effet, en gardant le fromage un certain temps, on y voit tous les défauts de fabrication (l’alimentation de la bête, animaux malade etc.)
Chaque fromage a une histoire.
La plus romantique de la boutique est celle du Petit Fiancé, un chèvre crémeux des Pyrénées. Le fabricant rencontra au Canada une cantatrice dont il tomba fou amoureux. Savoyard de base, il souhaitait retourner dans les Pyrénées cette fois pour recréer des fromages différents de ceux qu’il faisait avant. Il lui demanda donc de le suivre. Quand celle-ci le rejoignit et l’épousa, il créa à son image, un fromage à base de chèvre qui reflète toute la beauté et la douceur de sa femme.
Philippe Alléosse aime les challenge et n’hésite pas à braver les interdits et à briser les codes usuels du fromage.
Prenons l’exemple du fromage italien le Robiola (Piedmont) . C’est un fromage de vache frais, avec des copeaux de truffes sur le dessus et à l’intérieur.
Je me suis dit qu’il fallait le travailler, aujourd’hui il est unique au monde. Je l’ai placé dans une cave plus de deux mois, avec une famille de fromages qui ne lui était pourtant pas destinée, et c’est dans celle-ci qui s’est épanoui.
Après six mois de recherche, le fromage n’est plus le même. Les truffes du dessus se sont durcies et forment une croûte. La pâte est dure et très serrée. A la dégustation, le goût de la truffe éclate en bouche.
On peut également redécouvrir le Saint-Nectaire, affiné plus de six mois. On obtient un goût de noisette, qui se rapproche plus d’une tomme, avec beaucoup de finesse.
Les fromages anglais sont aussi de la partie, comme le Stilton affiné au Porto. Il le laisse macérer jusqu’à deux mois. Le liquide se transforme en solide.
Le Shropshire : doux, côté très fondant, à déguster avec un whisky
Pour Philippe et Rachel, le fromage, c’est une histoire de rencontre, de partage mais surtout une aventure humaine. Dans l’affaire, on retrouve deux beaux frères et depuis récemment les deux filles du couple, que ce soit à la caisse, à l’affinage ou à la communication. La fromagerie évolue avec son temps. Elle est loin de l’image archaïque des fromagers d’il y a 50 ans. Ils visent toujours plus haut, toujours plus loin.
La vie complète ne suffira pas à trouver tous fromages ! On peut les changer de milles manières. A chaque fois c’est une découverte, une saveur.
Chaque fromage recèle son lot de secret, le tout gardé précieusement par notre Maître-artisan-affineur, Philippe Alléosse, pour le plaisir de nos papilles et la magie du produit.
Marion Gordien
Fromagerie Alléosse
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