Jean-Marie, la trentaine, est seul au piano. Le restaurant Sur le Fil qu’il a ouvert dans le 14e arrondissement de Paris, il y a tout juste deux ans, en avril 2013, est le joli reflet d’un Chef au parcours étonnant, voguant entre la Bretagne de son enfance, les Highlands, les Antilles et enfin, Paris.
Afin de mieux comprendre la carte d’un cuisinier devenu Chef et patron de son restaurant, Jean-Marie Courtel nous raconte tout « depuis le début » comme il dit.
Le produit, le vrai, ce jeune Chef le connaît. Petit-fils de fermiers bretons du côté de sa mère et de restaurateurs côté paternel, il a vécu plusieurs années à la ferme, puis, une fois arrivé sur Paris avec ses parents, est retourné chaque année passer ses vacances en Bretagne, à Ploërmel.
Mes grands parents maternels possédaient trente vaches, des cochons, des poules. Jusqu’à mes 15 ans, on tuait encore le veau à la ferme. Le boucher du village venait préparer les bêtes une fois abattues. Les femmes s’occupaient de la charcuterie et préparaient le pâté, les saucisses, le boudin avec la viande de porc. C’est un travail artisanal qui n’existe plus aujourd’hui et que j’ai eu la chance de connaître !
A 13 ans, pendant les vacances scolaires, Jean-Marie fait la plonge au restaurant de ses grands parents au « Relais de Porhoët ». Au contact des produits frais, de la terre comme de la mer, et d’une équipe bienveillante, Jean-Marie goûte, touche, joue et prend goût à cet univers gourmand. A 16 ans, c’est décidé, il commence son apprentissage à l’école hôtelière de Montaleau, puis enchaîne deux ans plus tard avec un Bac Pro à l’ EPMTTH de Levallois-Perret. Pour mieux consolider ses bases sans la pression des services, le jeune cuisinier se tourne vers l’univers du traiteur chez « Stéphanie Traiteur » ou encore «Le Petit Gourmand de Paris», puis de petits bistrots en petites brasseries, il largue les amarres.
Deux années durant, en Ecosse, aux côtés de Loïc Lebfevre, aujourd’hui chef de son restaurant étoilé, L’Atelier du Peintre à Colmar, il apprend. Au cœur des Highlands il travail sans relâche, d’abord à la brasserie « Contrast », où il débute aux entrées, puis il découvre le travail du gibier. Le faisan, la brousse, le lièvre, le chevreuil, qui demandent un traitement et une préparation bien spécifiques n’ont alors plus de secret pour lui. Le gibier est d’ailleurs à l’honneur aujourd’hui dans son restaurant, en automne et en hiver. On pense notamment au canard sauvage qu’il proposait en novembre dernier à la carte de son retsaurant, accompagné d’une purée de panais, de copeaux de champignon cru, de café râpé et de zestes de citron vert. Le gibier proposé par Jean-Marie est fourni par la Poularde, le sanglier quant à lui vient de Compiègnes dans le nord de Paris.
Appliqué et talentueux, il est propulsé au poste des viandes dans le restaurant gastronomique du même chef, « l’Abstract » et s’en tire avec brio. Il occupe enfin le poste des desserts avant de retourner en France, dans sa Bretagne natale.
Jean-Marie a tout vu ou presque. Pour compléter son parcours, il s’immerge dans l’univers des poissons et crustacés, dans un restaurant situé à Douarnenez, entre Brest et Quimper, au poste clé des poissons. Une expérience là encore exceptionnelle, qui lui permet de découvrir des produits d’une fraicheur sans égal.
Les soles fraiches arrivaient par caisses pleines ! Au moment de les stocker en chambre froide, elles sautaient des caisses et nous devions les capturer en se faufilant sous les plans de travail ! On ne voit ça nulle part !
Aujourd’hui, malgré le fait qu’il soit seul en cuisine, Jean-Marie ne cède pas à la facilité. Il reçoit ses poissons toujours entiers afin de s’assurer de leur fraicheur, pas question de faire de compromis.
Je privilégie des poissons à chair fine tel que le cabillaud, car il n’est pas envisageable de proposer des produits qui nécessitent trop de travail en amont, comme le crabe par exemple, qu’il faut décortiquer et nettoyer avec beaucoup de minutie. Je préfère me consacrer à des produits frais exclusivement, dont je suis en mesure d’assumer seul la préparation. Et même si un filet coûte moins cher qu’un poisson entier, la plupart du temps, il se délite immédiatement au four et perd une quantité d’eau impressionnante. Le jeu n’en vaut pas la chandelle!
Après la Bretagne, il s’exile à nouveau, aux Antilles cette fois-ci, à Saint Barthélémy. Là-bas il découvre les poissons d’eau chaude, les épices, les fruits et légumes exotiques. Puis de retour à Paris, une aventure de 3 ans commence à Itinéraires, en 2009, au sein de la brigade du chef Sylvain Sendra. Spontanéité, fusion, créativité, caractérisent la cuisine de ce Chef, dont Jean-Marie devient très rapidement le second.
Cette maison m’a permis de briser les codes, de sortir des règles qui devenaient un carcan au fil du temps. J’ai découvert la liberté en cuisine, sans filets.
Une étape certainement déterminante qui marque la cuisine qu’il propose chaque jour à la table de Sur le Fil : une maîtrise des produits, des cuissons, des recettes surprenantes et subtiles, comme cette burrata sauce ponzu, qui reposent sur des produits choisis avec le plus grand soin.
On pense également au poulpe confit à l’huile d’olive, cuit 12 heures au four à basse température, accompagné d’une purée de pomme de terre et d’un condiment à la tomate légèrement relevée par le pili-pili de Madagascar.
Ou encore cette salade de fenouil cru, tranché au moment, agrémenté de sardines fraiches, marinées et crues elles aussi, d’un condiment citron, d’oignons rouges en pickles et de coriandre fraiche. Comme un goût d’été dans l’assiette, car en effet, la carte évolue sans cesse, au fil des saisons, au fil des envies de Jean-Marie, mais toujours avec des produits frais.
Proche de ses fournisseurs, Jean-Marie nous présente Jean-François. Fondateur de COPREX depuis 2007 sur l’île de Madagascar, il dirige plusieurs centaines de personnes dont le travail est dédié à la production de la vanille TK, du litchi HB, d’une banane séchée dont le procédé de fabrication est proche de celle de la vanille, et enfin, il s’est également spécialisé dans la production de miels extraordinaires, floraux et riches en fructose, ainsi que dans la production d’incroyables épices telles que le gingembre, le curry, le quatre épices, la citronnelle ou encore le pili pili.
Des produits respectant totalement les processus de fabrication traditionnels malgaches : les miels sont récoltés à la main, la vanille nécessite 15 mois de travail entre le moment de la pollinisation de l’orchidée et sa mise en vente, quant aux épices, elles sont évidemment 100% naturelles et sont moulues à la main, au mortier de bois de rose.
Depuis leur rencontre, Jean-Marie redécouvre le plaisir de créer des plats, des condiments et des desserts à base d’épices fournies par Jean-François :
Un jour je décide de réaliser un dessert à la poire accompagné d’un biscuit aux graines de coriandre. Dans mon élan, je passe l’intégralité du pot de coriandre de Madagascar et le mixe au robot pour en faire une poudre. Les graines sont pulvérisées en un instant et au goût, le résultat est sans appel : le biscuit est parfumé, subtil, un régal. Deux jours plus tard, j’utilise la coriandre qu’il me restait d’une marque lambda, et je me rends compte qu’il est impossible de réduire en poudre cette graine dure comme de la pierre, au goût insipide… Mon dessert n’avait plus aucun intérêt ! »
En ce moment, à la carte, vous trouverez sûrement le miel de litchi de Madagascar, dans un dessert à la rhubarbe pochée, glace vanille et un streusel aux amandes.
Dessert glace vanille TK / rhubarbe pochée / streusel amandes et miel de litchi
Avec des produits de cette qualité, la majeure partie du travail est faite, le plus gros est de composer un plat aromatique, équilibré. Ce qui ne trompe pas, c’est le retour des clients, et avec ce dessert, c’est sans appel.
Tous les plats que vous aurez le plaisir de déguster chez Jean-Marie, sont des plats authentiques, imaginés et réalisés par le Chef, grâce à des produits de saison, naturels, dont la sélection s’affine au fil du temps. Qu’il s’agisse de la rhubarbe et des asperges champenoises de la Ferme des Pins Sylvestres, des épices, de la vanille et des miels de Madagascar de chez COPREX, de la ventrèche de thon, de la tapilla de porc ibérique ou bien même de l’exceptionnel bœuf de Galice fournis par Ibermarket, chaque produit est sublimé délicatement, pour un menu différent chaque jour de la semaine.
C’est Nathalie qui vous accueillera et qui vous donnera toutes les informations nécessaires quant à la carte et aux vins qu’elle et Jean-Marie proposent au restaurant. En attendant de les rencontrer, voici un aperçu des plats que nous avons eu le plaisir de déguster en cette première quinzaine d’avril.
Avant de toquer à sa porte, n’oubliez pas de réserver. Bonne dégustation sur le fil !
Restaurant Sur le Fil
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